21/09/2011

Entrez, mesdames messieurs...

Bien avant David Bowie et Klaus Nomi: Diane Dufresne!

Du 10 au 13 janvier 1974, à la salle Wilfrid-Pelletier de Montréal, Diane Dufresne consacre toute la deuxième partie de ses spectacles à l'Opéra-Cirque. Elle ne fait pas que l'interpréter, elle le vit, offrant une véritable vision apocalyptique au public.

"Quand on a vu ce spectacle, on comprend mieux, je pense, combien Diane Dufresne est terriblement sérieuse quand elle assure qu'elle veut aller au bout d'elle-même, sans tricherie, sans concessions." (René-Homier Roy, La Presse, 3 mars 1977)


Vêtue d'un plastron multicolore mi-clown mi-insecte créé par Mario Dinardo et accompagnée de 8 musiciens arborant des t-shirts avec têtes de mort, Diane n'a pas besoin de beaucoup d'artifices pour convaincre. La mort rôde, lui tourne autour, symbolisée par un spot lumineux qu'elle essaie de fuir. "Un éclairage au plancher comme sur une piste de cirque, toute une rangée de projecteurs retournés vers la foule et des costumes ornés de symboles..." (Gisèle Tremblay, Le Devoir, 12 janvier 1974)



Diane s'y donne corps et âme, mordant dans l'humour grinçant de l'Opéra, mais surtout, s'écorchant vive en vivant sa fin du monde. Une expérience éprouvante, mais nécessaire, quasi cathartique. "Les gens qui veulent voir le show sont mieux de venir le voir tout de suite, parce qu'après ce sera terminé. L'Opéra-Cirque, c'est dur autant pour eux que pour moi. C'est un spectacle qui prend tout." (Le Soleil, 9 février 1974) 

Le Cirque visitera ensuite la province, s'arrêtant entre autres au Grand Théâtre de Québec. Le dernier show aura lieu le 24 août, à la Place des Nations de Montréal.

(photo: merci à Michel Gauthier)

15/09/2011

Détournement majeur


Ci-dessus, Diane Dufresne en plein Détournement majeur, photographiée par Marianne Rosenstiehl. 

Si l'on exclut "Sans desous dessus" (une compilation distribuée au Japon en 1991 qui n'offrait qu'une seule nouvelle chanson), Diane sort d'un long silence de 6 ans sur disque le 8 avril 1993. Et comme toujours, on l'espérait, mais elle arrive là où on ne l'attend pas. Elle a non seulement composé tous les textes, mais a quitté le 7e ciel de Follement vôtre et de Top Secret pour se retrouver les deux pieds sur terre. "Et quand je dis terre, j'parle du ciment"...

Diane avait pourtant chanté des sujets difficiles par le passé, mais peut-être que beaucoup se laissaient simplement divertir par ses différents rôles. Avec Détournement majeur,  elle retire tous ses masques et se met à nu en chantant ses mots, des textes particuliers, bien à elle, qui nous la révèlent comme jamais. Curieusement, certains sont surpris de découvrir une parolière aussi engagée, visiblement remuée par le monde qui l'entoure. Surpris aussi par la structure des chansons, moins accessible, peu formatée pour les diffusions commerciales. "Quand j'ai sorti Détournement, je me suis dit qu'après 30 ans de métier, j'avais bien le droit de faire une chanson de six minutes." ("Le don de soi", Voir, 29 avril 1999) 
 
À Laurent Saulnier du journal montréalais Voir, elle explique: "On est dans une époque assez heavy. Apocalyptique. J'ai 48 ans et je suis pas pour raconter des histoires. Je peux apporter du rêve quand même, mais ça va être dans le cadre du temps présent. Je suis de mon temps avec mon âge. C'est cru quand on regarde les nouvelles. C'est cru quand on regarde les gens en politique qui nous prennent tous pour des cons et qui ne font rien pour nous. C'est cru que le monde n'ait pas de conscience." Curieux que ses mots n'aient pas pris une ride aujourd'hui et soient malheureusement toujours d'actualité...

L'écoute est un voyage en véritable zone de turbulences. Mais comme toujours avec Diane, plusieurs se reconnaissent dans ce qu'elle a créé et en sortent inspirés. "Elle a pris tous ces tabous, les a mis dans son chapeau pour en faire des chansons, parlant de la fin de siècle inquiétante qui est la nôtre, afin de l'exorciser en la nommant. Ça a donné Détournement majeur." (Odile Tremblay, Le Devoir, 10 avril 1993)

10/09/2011

La robe-théâtre



S'il y a un costume de scène de Diane Dufresne qui aura marqué tous les esprits, c'est bien celui de la robe-théâtre de Top Secret. Quand la robe apparaît dans le deuxième tableau portée par la Marquise, le public en a le souffle coupé. "Pourquoi ce choix d'une marquise? Parce que ça me permet d'exhiber une robe tellement impressionnante qu'elle touchera la folie du public et beaucoup de choses plus profondes, comme l'ombre de la vieillesse que je veux exorciser." (France-Soir, 19 mai 1987)

Créée par Michel Robidas, la robe permet à Diane d'être d'abord Marquise, prisonnière de sa folie, pour ensuite être tragédienne d'opéra avant de devenir la marionnettiste de La dernière enfance. Les poupées japonaises avec lesquelles joue Diane annoncent l'arrivée de la Geisha du troisième tableau, créant un fil conducteur ingénieux et un moment absolument inoubliable.

La fameuse robe, exposée au magasin Archambault en 2007 (source)

07/09/2011

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Vendredi dernier, Diane Dufresne participait à Célébrations Lévis 2011 en offrant une nouvelle version de Sinéquanone. D'après les descriptions des critiques (ici et ici), on peut déduire qu'il s'agissait d'une version très fidèle au spectacle qu'elle avait présenté aux Francofolies de Montréal l'année dernière. En attendant des récits plus détaillés ou des vidéos, voici deux liens pour voir plusieurs magnifiques photos prises par Lise Breton et Andrée Darveau...


Galerie photos d'Andrée Darveau - QuébecSpot Média

...et voici un lien pour voir un petit reportage tourné l'après-midi du spectacle, avec extraits de répétitions et entrevue avec Diane, sur le site de CFCM (TVA):

01/09/2011

En Rolls-Royce dorée

La Star. La Bentley. Le Stade.

Ci-dessus, Diane Dufresne posant devant sa Bentley 1957, au Stade Olympique de Montréal. Le 29 octobre 1982, lorsqu'elle termine son spectacle Halloween au Forum, cette Bentley l'attend, avec une lettre d'Yvon Deschamps dans le coffre à gants. Il lui témoigne son amour et son admiration et lui explique qu'il lui offre sa voiture de collection pour qu'elle n'oublie jamais comment elle fait ses spectacles. "C'était la première vraie grande star. Donc pour moi, une grande star, ça se promenait en Bentley ou en Rolls-Royce..." (Yvon Deschamps, Folie Douce, Radio-Canada, 2003)

 DD et YD en 1975 (Photo: Pierre Dury)

C'est en assistant au spectacle "Comme un film de Fellini" qu'Yvon Deschamps a une véritable révélation, même si sa rencontre avec Diane Dufresne remonte à beaucoup plus longtemps. Il est amené à croiser Diane à la fin des années 60 dans l'orbite de Clémence Desrochers, mais c'est grâce à sa femme, Judi Richards, qu'il la découvre réellement. En effet, Judi est choriste sur "Tiens-toé ben j'arrive" et accompagne régulièrement Diane sur scène. Elle participera également à "Mon premier show" et "Sans entracte". 

Les choristes de Sans entracte (à gauche: Judi Richards)

En 1980, pour "J'me mets sur mon 36" et sur les bons conseils de Judi, il décide d'offrir à Diane des douzaines et des douzaines de roses pour qu'elle les lance depuis sa fenêtre au Ritz, où elle loge temporairement. Un geste à l'image de la démesure et de la poésie de son spectacle. "Quand le spectacle a été terminé et que t'as toute cette ivresse, c'est vrai qu'il faut que tu jettes les fleurs parce que t'es tellement flyée que la seule chose que tu peux faire, c'est des choses complètement démesurées (...) J'ai attendu qu'elles s'épanouissent et je suis allé les jeter au-dessus de la montage". (Diane Dufresne, Folie Douce, Radio-Canada, 2003)

L'hommage se poursuit en 1981 lorsqu'Yvon crée un monologue intitulé "L'idole", dans son spectacle "C'est tout seul qu'on est l'plus nombreux", dans lequel il raconte de façon fantaisiste son aventure au Forum. Le numéro se termine par une chanson mise en musique par nul autre que François Cousineau, "Chanson pour mon idole".

Les chemins de Diane et d'Yvon se croiseront à quelques reprises pendant les années, que ce soit à la Fête de Québec en 1978, au Bye Bye 1996 ou au Gala hommage à Yvon Deschamps en 2007. Ils partageront la même scène en 1981, lors du Festival d'été de Québec, où ils chanteront ensemble la magnifique chanson d'Yvon, "Aimons-nous".

 DD et YD au Festival d'été de Québec en 1981
(Merci à Michel Gauthier)

"Atteindre l'art, c'est pas juste transcender ce qu'on fait, c'est en plus transporter le spectateur, l'amener ailleurs, élever son âme à un point que, tout à coup, il réalise, il ressent ce que c'est que la beauté, la grandeur, l'amour, l'infini. Et ça, très peu de gens y arrivent. Et Diane, des fois, y arrive 2 ou 3 fois dans le même spectacle, alors c'est phénoménal, et c'est pour ça qu'on peut dire que Diane Dufresne est très certainement une des plus grandes interprètes au monde!" (Yvon Deschamps, lors de la remise du Trophée Félix Hommage en octobre 2006)

Il faut dire que le plus grand humoriste du Québec sait de quoi il parle. Des années 60 jusqu'à sa retraite l'année dernière, il a su créer la magie, en monologue et en chanson, n'ayant pas son pareil pour faire rire tout en faisant réfléchir. Tout en n'hésitant pas à appuyer là où ça fait mal, là où ça dérange...Encore aujourd'hui, personne ne lui arrive à la cheville dans le paysage québécois.